Les deux frères revenaient d’Annecy. Chemin faisant,
ils rencontrent deux enfants effrayés. Un homme était
couché en travers de la route, et ils n’osaient avancer.
« Jean, dit Henry d’un air grave, prends mon sac. Je vais
couper un bâton... Maintenant, suivez-moi, d’un peu loin. » — « Jugez, écrit l’un des témoins, si le cœur battait fort
dans la poitrine ! » L’homme effrayant était endormi.
Henry le réveille d’un coup de bâton. L’ivrogne — car,
c’en était un — injurie ce vaurien qui se permet de le
réveiller de si étrange façon. « Vous voyez bien, riposte
Henry, que, si vous barrez la route, les voitures vont vous
passer sur le corps. » Et comme l’ivrogne ne bougeait
point : « Venez, vous autres, et n’ayez pas peur, je suis
là ! » Quand ils furent passés, Henry prend l’homme par
les jambes et le tire un peu à l’écart : « Il se ferait écraser
tout de même, dit-il, et, s’il a des enfants... »
Un dimanche, en attendant l’heure des vêpres, Henry s’arrêta à regarder des joueurs de boule. Quelqu’un, parce qu’il avait perdu, faisait-il mauvaise figure, Henry ne pouvait comprimer un sourire. « Va-t’en aux vêpres, espèce de bigot ! lui dit un mécontent. — Bien sûr, répond l’espiègle, il vaut mieux aller aux vêpres que d’être aussi maladroit que vous. » Et il part, mais pas assez prestement pour esquiver une pierre que lui lance le drôle. Le coup atteint Henry à la tête, et le voilà tout en sang. « Ce n’était pas lui qui pleurait, remarque son frère ; c’était moi. » À quelque temps de là, Henry aperçoit l’individu qui l’avait blessé, près d’une fontaine où il puisait de l’eau. Henry s’approche doucement, saisit brusquement le seau rempli jusqu’au bord et il en coiffe son homme.
En tout ceci, comme en bien d’autres aventures que nous savons, pas ombre de méchanceté. Histoire de rire. Jamais de rancune. S’était-il battu avec des écoliers de son âge pour défendre son frère, le lendemain il était le premier à proposer la paix et à la cimenter par quelque beau tapage. S’il voyait, au milieu des jeux, pleurer quelque camarade, il quittait sur-le-champ la partie la