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Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/344

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L’APÔTRE

Un autre épisode, moins souriant, de ce voyage apostolique :

Pour virer de bord, le capitaine s’est approché trop près du récif de l’île Stéphen. La quille de l’Annonciade bat le rocher. Le capitaine jette l’ancre ; mais, voilà que, de toute la longueur de la chaîne, le bateau s’avance sur l’écueil. Tous les efforts que l’on fait pour le dégager, sont inutiles. Le vent s’en mêle en soufflant dans les voiles et d’effroyables secousses heurtent la coque du navire. Il sera bientôt brisé contre les écueils. On met l’embarcation à la mer. Deux matelots vont porter une seconde ancre en dehors du récif. On y attache un long câble et l’on tire sur l’Annonciade. Au bout d’une heure de cette besogne, le bateau sort du récif, il est sauvé. Maintenant déployons les voiles. Levons la grande ancre, pendant que la seconde nous retient contre les assauts du vent. Puis, au moment où le navire va prendre sa course, vite coupons le câble et laissons l’ancre dans la mer. Les ordres sont bien donnés, mais mal exécutés. Avant, en effet, que les voiles ne soient levées, le matelot désigné coupe le câble. Aussitôt, le navire, redevenu libre, recule jusqu’au milieu du récif en grinçant sur les cailloux. Que faire ? On ne peut recommencer l’opération de tout à l’heure, puisque l’ancre est perdue. Le capitaine et l’équipage sont à bout de ressources. Les Frères se croient perdus. C’est un ahurissement général dans un complet désarroi. Celui-ci tire une corde ; celui-là remue une voile. La plupart sont immobilisés dans une stupeur morne. Cependant le navire frappait de la quille de plus en plus violemment. Il va se briser. Alors le P. Navarre se tourne vers le ciel : il jette dans une prière à Notre-Dame du Sacré-Cœur son âme désespérée. Le cri paraît se perdre dans l’immensité sourde. La mort est toujours imminente. Le Père pousse un second cri, au nom des saintes âmes du Purgatoire. Après neuf Souvenez-vous, il récite neuf De Profundis. « Au septième, écrit-il, le bateau ne frappe plus, quoique je voie le fond de l’abîme comme auparavant. Le capitaine,