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LE NOVICIAT


time ne bouge pas. Les bourreaux saisissent d’autres parties du corps dans la même région et coupent encore deux morceaux. Le martyr frissonne et tremble. Ses yeux cherchent le ciel : « mon Dieu ! ô Père ! » s’écrie-t-il. On descend aux jambes. Deux lambeaux tombent sous le fer. Alors la nature épuisée succombe, la tête de M. Marchand s’incline, il meurt.

Le frère Verjus a lu, dans le détail, cette scène atroce que nous venons d’abréger, et il écrit : « Mon Jésus, comme je vous remercierais, si vous m’accordiez un martyre aussi cruel que celui-là ! »

En attendant, il se fabriquait des chaînes de fer, armées de pointes, pour les bras, les jambes et la ceinture. Celles qui, à son gré, n’étaient point réussies, c’est-à-dire qui n’entraient pas dans les chairs assez vivement, il en faisait cadeau à ses amis, et se remettait à l’ouvrage pour quelque invention nouvelle. Jusqu’où ne serait-il pas allé dans la pénitence, si le Père-Maitre n’eût entravé son élan ! Mais, avant tout, nous l’avons vu, il était fils de l’obéissance.

« Pendant la messe, j’ai été rudement tourmenté par Satan. Il m’inspirait toutes sortes de mortifications à faire. J’ai presque succombé. Ô mon Jésus, ayez pitié de ma misère ! … Le Père-Maître m’a permis trois disciplines pas semaine. Pas plus. Je n’en ferai pas davantage. Je ne veux me servir de cette créature qu’autant qu’elle me conduira à ma fin. Elle serait nuisible autrement. Je déclare donc au démon que je me tiendrai dans l’obéissance. — L’obéissance est meilleure que le sacrifice. — L’humilité, l’oubli de moi-même, la soumission aveugle, voilà des créatures dont je ne risque pas d’abuser. »

VII

Ceux de nos lecteurs qui sont familiers avec les Exercices spirituels ont reconnu dans ce mot « les créatures », une des expressions de saint Ignace en sa méditation « du principe et du fondement ». Deux fois déjà nous avons