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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/216

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— 1814 —

Maison, qui commande les détachements pouvant tenir la campagne, se chargeront, de ce côté, de gagner du temps. Paris, but de tous les efforts des Alliés, n’a donc rien à craindre de ces trois côtés ; il n’est menacé sérieusement que par les deux armées de Bohême et de Silésie. Là est le véritable péril.

Ces deux armées, à leur entrée en France, comptaient, comme nous l’avons dit, 350,000 combattants. La garde des villes qu’ils ont enlevées, le blocus des places qui tiennent sur leurs derrières, ont réduit cet effectif à moins de 280,000 hommes. Napoléon dispose du cinquième au plus de ce chiffre de soldats. Mais il espère qu’en manœuvrant avec vivacité au centre des marches de l’ennemi il pourra couper ses communications, isoler ses principales colonnes, battre séparément celles-ci, et parvenir, en multipliant ses coups, à suppléer l’infériorité du nombre. Si, du moins, les régiments avec lesquels il doit combattre se composaient de vétérans aguerris ! Mais le peu de troupes dont il dispose est en partie formé de soldats tirés de tous les dépôts, ou de conscrits à peine habillés, précipitamment armés, et exercés pendant les marches. « Levés et incorporés à la hâte, l’innocence et la simplicité de ces braves jeunes gens amusaient les vieux soldats, a dit un des acteurs de cette lutte suprême, le colonel Fabvier. Leur habillement consistait en une redingote grise et un bonnet de forme féminine ; on les appelait les Marie-Louise (la plupart furent levés par décrets signés de la Régente). Ces enfants manquaient de forces et d’instruction ; mais chez eux l’honneur remplaçait tout, et leur courage était indomptable. Au cri : En avant, les Marie-Louise ! on voyait leurs figures éteintes se couvrir de la plus noble rougeur ; affaiblis par la fatigue et par la faim, leurs genoux se roidissaient pour voler à l’ennemi. Quant à ce qu’ils savaient faire, les grenadiers russes peuvent le dire. [1] » 60 à 65,000 hom-

  1. Journal des opérations du 6e corps pendant la campagne de 1814, par le colonel Fabvier.