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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/233

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— 1814 —

concevez qu’en me voyant à la veille d’une bataille dans laquelle j’étais décidé à vaincre ou à périr[1], et sans laquelle, si je cédais, ma capitale eût été prise, j’eusse consenti à tout, pour éviter cette grande chance. Je devais ce sacrifice de mon amour-propre à ma famille et à mon peuple ; mais, dès qu’ils ont refusé, dès que la chance de la bataille a eu lieu et que tout est rentré dans les chances d’une guerre ordinaire où le résultat d’une bataille ne peut plus menacer ma capitale, et que toutes les données possibles sont pour moi, je dois aux intérêts de l’Empire et à ma gloire de négocier une véritable paix.

Si j’eusse signé les anciennes limites, j’aurais couru aux armes deux ans après, et j’aurais dit à la nation que ce n’était pas une paix que j’avais signée, mais une capitulation. Je ne pourrais le dire d’après le nouvel état des choses, puisque, la fortune étant revenue de mon côté, je suis maître de mes conditions. L’ennemi est dans une position bien différente de celle où il se trouvait lors des bases de Francfort, et avec la presque certitude qu’il ramènera bien peu de monde au delà des frontières. Sa cavalerie est excessivement fatiguée, et à bas ; son infanterie est lasse de ses mouvements et contre-mouvements ; enfin il est entièrement découragé. J’espère donc pouvoir faire une paix telle que tout homme raisonnable peut la désirer ; et mes désirs ne vont pas au delà des propositions de Francfort[2].

Napoléon. »

En même temps que l’Empereur songeait à profiter de ses derniers succès pour arracher aux coalisés une paix digne de la France et de lui-même, il s’occupait de poursuivre et de compléter les avantages qu’il venait d’obtenir.

Un corps de 25 à 30,000 hommes, aux ordres du général Bianchi, avait passé la Seine à Montereau et s’était avancé, par la rive gauche du fleuve, jusqu’à Fontainebleau[3], en même

  1. L’Empereur fait allusion à la position où il se trouvait à Nogent-sur-Seine, après sa retraite de Troyes et avant son mouvement de flanc sur Champaubert et Montmirail.
  2. Les limites naturelles qui formaient la base des propositions de Francfort, et que Napoléon se montrait prêt à accepter, étaient la frontière tracée par le Rhin, la Belgique comprise, les Alpes et les Pyrénées ; les anciennes limites, qu’il repoussait, et que les Alliés entendaient lui imposer, étaient les frontières de l’ancienne Monarchie, c’est-à-dire les limites, à quelques cantons près, de la France actuelle.
  3. On lit dans le Moniteur du 21 février : « Le palais de Fontainebleau a été conservé. Le général autrichien Hardeck, dès son entrée dans la ville, y