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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/256

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— 1814 —

la présence du projectile prêt à éclater occasionne une sorte de flottement dans les rangs les plus proches. Napoléon s’en aperçoit ; il lance son cheval sur l’obus, et, pendant que l’animal flaire, épouvanté, la mèche enflammée, il demande froidement la cause de ce mouvement ; il s’étonne que des soldats aussi éprouvés fassent attention à un obus. À ce moment, l’obus éclate ; un nuage épais de poussière et de fumée enveloppe l’Empereur : un long cri d’épouvante s’élève des rangs ; le nuage se dissipe ; Napoléon est toujours debout, ses traits ont conservé leur calme. Les soldats le saluent d’acclamations frénétiques ; son cheval était tué ; il s’élance sur un autre et court se placer sous le feu de nouvelles batteries. Comme à Montereau, aucun coup, aucun éclat ne l’atteint. Ce n’est pas là qu’il doit mourir.

Cependant les Alliés s’étendent en un immense demi-cercle, qui, se resserrant par degrés, finit par enfermer l’armée française dans Arcis. Nos soldats, repoussés dans les faubourgs, crénellent les maisons, et, malgré les bombes, les obus qui sillonnent l’air, malgré les incendies qui éclatent de tous les côtés, ils parviennent à s’y maintenir. La nuit arrive ; Napoléon en profite pour faire établir un second pont, et le lendemain, 21, la lutte recommence à l’entrée des faubourgs, non plus pour arracher à l’ennemi une victoire impossible, mais pour donner à l’armée le temps de se retirer en ordre et sans être poursuivie. Plus convaincu que jamais, par la sanglante expérience qu’il vient de faire, que vouloir lutter corps à corps avec les masses de l’ennemi serait une tentative inutile ; décidé, d’ailleurs, à ne pas subir la honte de se voir refoulé de position en position jusqu’aux barrières de Paris, l’Empereur abandonne décidément les avenues de sa capitale à Schwartzenberg, et se porte, par la traverse, vers la haute Meuse et la Lorraine. Son plan n’est point changé, mais sa pensée vient de lui donner une portée et des proportions nouvelles.

À Soissons, à Reims, à Épernay, partout où il avait séjourné