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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/305

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— 1814 —

des Bourbons, acteur influent dans le sanglant épisode du duc d’Enghien, enfin, évêque marié, M. de Talleyrand, quelque service qu’il pût rendre aux Bourbons, se trouvait condamné, en cas de restauration, à une défense et à une lutte, pour ainsi dire, perpétuelles contre les préjugés, les rancunes ou les haines de ces princes et des deux ordres auxquels il avait appartenu. Son passé de vingt-cinq ans, inscrit tout entier au Moniteur, n’était pas de ceux qu’on puisse oublier ou que l’on pardonne.

Après la délibération dont nous venons de raconter les détails essentiels, Joseph et Cambacérès avaient suivi l’Impératrice dans son appartement intérieur. Troublés par l’énergique opposition qu’ils avaient rencontrée, et poursuivis par ces pressentiments qui manquent rarement aux hommes à la veille des grandes catastrophes politiques, le frère de Napoléon et l’archichancelier dirent à Marie-Louise que la résolution du conseil leur semblait, en effet, de nature à exercer une influence décisive sur les événements ; que sa présence à Paris serait peut-être plus utile que son départ à la cause impériale ; mais qu’elle seule pouvait être juge du parti qu’il serait convenable d’adopter en d’aussi graves circonstances, « Vous êtes mes conseillers obligés, leur répondit l’Impératrice, je ne prendrai jamais sur moi de désobéir à un ordre de l’Empereur et à la délibération du conseil privé ; donnez-moi, dans un écrit signé, l’avis formel de demeurer à Paris, et j’y reste. » L’un et l’autre refusèrent d’assumer sur eux une telle responsabilité ; ils se retirèrent après être convenus que Joseph se rendrait, le lendemain de bonne heure, aux avant-postes pour juger de la situation, et que l’Impératrice ne quitterait pas les Tuileries avant d’avoir entendu son rapport.

Les préparatifs pour le départ occupèrent toute la nuit. Le 29 mars, au petit jour, les passants pouvaient apercevoir de la place du Carrousel, à travers les fenêtres ouvertes des appartements du château, et à la lueur de bougies encore allumées, des femmes de la cour, des domestiques qui couraient