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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/334

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— 1814 —

n’est pas de faire le moindre mal à la ville de Paris, dit Alexandre à M. de Quélen ; ce n’est pas à la nation française que nous faisons la guerre, mais à Napoléon. — Ce n’est pas même à lui, ajouta aussitôt le roi de Prusse, mais à son ambition[1]. » La suspension d’armes fut consentie, et deux officiers revinrent, avec M. de Quélen, à la Villette, pour en arrêter les termes. La conférence se tint dans ce faubourg, chez un marchand de vin ayant pour enseigne le Petit Jardinet, et ce fut sur la table de ce pauvre cabaret que fut signé, à cinq heures du soir, un armistice de quatre heures, destiné à régler la retraite des troupes ainsi que les conditions d’une capitulation pour Paris.

Il était temps : Blücher hérissait déjà de batteries toutes les plates-formes de Montmartre ; les hauteurs de Mont-Louis, à la droite de Ménilmontant, se couvraient également de canons alliés ; enfin, Marmont, après la lutte la plus désespérée, se voyait littéralement acculé au mur d’octroi, mais sans avoir laissé, assure-t-on, ni un canon ni un prisonnier entre les mains de l’ennemi. On raconte que, dans les derniers instants, enveloppé dans la grande rue de Belleville par les corps alliés qui venaient de ramener sa droite depuis Bagnolet, il dut combattre en simple soldat. On se fusillait des croisées, de chaque côté de la rue où il était enfermé. Les généraux Ricart et Pelleport furent blessés près de lui ; onze hommes tombèrent à ses côtés percés de coups de baïonnettes ; son chapeau, ses habits, furent troués de balles. Ce fut à pied, une épée nue à la seule main qui lui restât libre, et à la tête seulement de 40 grenadiers, qu’il parvint à se faire jour et à gagner la barrière. C’est là que, pour sa gloire, ce maréchal aurait dû mourir [2] !

  1. M. de Lafayette ajoute à cette conversation le détail suivant : « L’empereur Napoléon est-il à Paris ? demanda Alexandre. — Non, Sire. — L’Impératrice est-elle partie ? — Oui, Sire. — Tant pis, » répondit l’Empereur. Et il se promena d’un air rêveur. (Mémoires, t.V, p. 304.)
  2. Le maréchal avait eu le bras droit cassé par un biscaïen à la bataille des