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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/348

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— 1814 —

la police, pour toute réponse, lui intima l’ordre de quitter Paris sur-le-champ, le prévenant que son départ serait surveillé, et qu’il allait prendre les mesures nécessaires pour le faire effectuer. M. de Talleyrand ne s’effraya pas ; il courut chez M. Pasquier, préfet de police, et fit auprès de ce fonctionnaire les instances les plus vives pour obtenir la permission que le ministre venait de lui refuser. M. Pasquier se retrancha sur l’insuffisance de ses pouvoirs et refusa également d’accueillir sa demande[1]. Le prince de Bénévent tenta une nouvelle démarche. Le soir, vers les sept heures, il se rendit à l’hôtel du duc de Raguse, rue de Paradis-Poissonnière, et sollicita du maréchal, non plus l’autorisation de rester, mais une attestation écrite constatant l’occupation, par les Alliés, de toutes les avenues de Paris et l’impossibilité où l’on était de franchir les barrières. Le maréchal, à son tour, refusa cette attestation[2]. Battu de tous côtés, M. de Talleyrand, dès qu’il fut rentré chez lui, fit donner le mot à quelques gardes nationaux, ses gens ou ses fournisseurs, pour aller se poster, le lendemain de grand matin, à la barrière d’Enfer, placée sur la rive gauche de la Seine, à l’opposé des points occupés par les Alliés ; puis, le 31, de bonne heure, il monta dans une voiture où se trouvait le duc de Plaisance ; son cocher et les valets, debout sur le marchepied de derrière, étaient en grande livrée ; on atteignit la barrière : « Vos passe-ports ! crièrent aussitôt avec force plusieurs gardes nationaux placés près des grilles ; on ne peut pas sortir sans passe-ports ! — Mais vous voyez bien que c’est Son Altesse Sérénissime le prince vice-grand électeur ! répondirent les valets de pied, qui n’étaient point dans le secret de cette comédie. — Oh ! Son Altesse peut passer, répliquèrent d’autres gardes nationaux groupés silencieusement

  1. Mémoires de Savary, duc de Rovigo, t. VII.
  2. Ce détail est confirmé par une lettre du maréchal Marmont que nous avons eue sous les yeux.