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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/374

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— 1814 —

mence de laisser après lui le souvenir du plus épouvantable oppresseur qui ait pesé sur l’espèce humaine.

C’est lui qui, au lieu de 400,000,000 que la France payait sous nos bons et anciens rois pour être libre, heureuse et tranquille, nous a surchargés de plus de 1,500,000,000 d’impôts auxquels il menaçait d’ajouter encore.

C’est lui qui nous a fermé les mers des deux mondes, qui a tari toutes les sources de l’industrie nationale, arraché à nos champs les cultivateurs, les ouvriers à nos manufactures.

À lui nous devons la haine de tous les peuples, sans l’avoir méritée, puisque, comme eux, nous fûmes les malheureuses victimes, bien plus que les tristes instruments de sa rage.

N’est-ce pas lui aussi, qui, violant ce que les hommes ont de plus sacré, a retenu captif le vénérable chef de la religion, et privé de ses États, par une détestable perfidie, un roi, son allié, et livré à la dévastation la nation espagnole, notre antique et toujours fidèle amie !

N’est-ce pas lui encore qui, ennemi de ses propres sujets, longtemps trompés par lui, après avoir refusé tout à l’heure une paix honorable dans laquelle notre malheureux pays, du moins, eût pu respirer, a fini par donner l’ordre parricide d’exposer inutilement la garde nationale pour la défense impossible de la capitale, sur laquelle il appelait ainsi toutes les vengeances de l’ennemi ?

N’est-ce pas lui, enfin, qui, redoutant par-dessus tout la vérité, a chassé outrageusement, à la face de l’Europe, nos législateurs, parce qu’une fois ils ont tenté de la lui dire avec autant de ménagement que de dignité ?

Qu’importe qu’il n’ait sacrifié qu’un petit nombre de personnes à ses haines ou bien à ses vengeances particulières, s’il a sacrifié la France, que disons-nous la France ? toute l’Europe à son ambition sans mesure ?

Ambition ou vengeance, la cause n’est rien. Quelle que soit cette cause, voyez l’effet ; voyez ce vaste continent de l’Europe partout couvert des ossements confondus de Français et de peuples qui n’avaient rien à se demander les uns aux autres, qui ne se haïssaient pas, que les distances affranchissaient des querelles, et qu’il n’a précipités dans la guerre que pour remplir la terre du bruit de son nom.

Que nous parle-t-on de ses victoires passées ? Quel bien nous ont-elles fait, ces funestes victoires ? La haine des peuples, les larmes de nos familles, le célibat forcé de nos filles, la ruine de toutes les fortunes, le veuvage prématuré de nos femmes, le désespoir des pères et des mères, à qui, d’une nombreuse postérité, il ne reste plus que la main d’un enfant pour leur fermer les yeux : voilà ce que nous ont produit ces victoi-