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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/406

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— 1814 —

auprès d’Alexandre ; le général Beurnonville les redit au roi de Prusse. Alexandre, en signant la déclaration du 31 mars, avait cédé à l’entraînement d’un triomphe inespéré ; ses dispositions restaient peut-être les mêmes ; mais l’ivresse du premier jour était dissipée ; il jugeait mieux sa position. Ce souverain croyait que l’armée impériale manœuvrait derrière la haute Marne, à plus de soixante-dix lieues de Paris, quand il autorisait M. de Talleyrand à écrire « que les Alliés ne traiteraient plus avec Napoléon ni avec aucun membre de sa famille. » Aujourd’hui, ce terrible capitaine se trouvait à une journée et demie de marche, appuyé sur ses lieutenants les plus illustres et sur 50,000 soldats éprouvés. Et cependant il consentait à descendre du trône, à s’avouer vaincu ! Une transaction était-elle trop chère à ce prix ? Depuis quatre jours, d’ailleurs, le gouvernement provisoire promettait la défection de quelques-uns des maréchaux de Napoléon, ainsi que la dissolution de ses troupes, et c’étaient deux de ces maréchaux qui venaient, au nom de l’armée elle-même, proposer de traiter ! Le tzar écouta donc sans s’émouvoir les observations de M. de Talleyrand, et se contenta de lui répondre que, quel que fût le parti adopté par les Alliés, jamais ils n’abandonneraient ceux qui se seraient compromis en se confiant à leurs déclarations.

Cette parole n’était pas fort rassurante ; aussi, quand, vers minuit un quart, Ney, Macdonald et Caulaincourt, parurent dans les salons de l’hôtel Saint-Florentin, furent-ils vivement frappés de la morne attitude des groupes nombreux qu’il leur fallut traverser pour arriver au cabinet d’Alexandre. La pâleur était sur toutes les figures. « J’aurais bien de la peine, a dit un des personnages les plus compromis, témoin oculaire[1], à peindre l’anxiété, pour ne pas dire la consternation, de quelques membres du gouvernement provisoire, et des autres per-

  1. Bourrienne. Mémoires, t, X, p. 95. — M. de Bourrienne, ancien secrétaire de Napoléon, avait accepté du gouvernement provisoire la direction générale des postes.