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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/413

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— 1814 —

Voici ce qui s’était passé.

La contrainte morale à laquelle avait cédé l’Empereur en abdiquant pesait à sa fierté. La régence, d’ailleurs, pouvait ne pas être acceptée ; dans le secret de son cœur, peut-être même espérait-il un refus. Dans tous les cas, sa position militaire devait rester forte. Le soir du 4 avril, vers les cinq heures, désireux de se tenir prêt à tout événement, il dépêcha aux avant-postes son premier officier d’ordonnance, le colonel Gourgaud. Le colonel était chargé de voir Marmont, resté à Essonne, puisque l’Empereur n’avait reçu aucune nouvelle de lui ni des plénipotentiaires ; de visiter également le maréchal Mortier, dont le quartier général était à Mennecy ; de recueillir leurs rapports sur la position des corps alliés placés devant eux ; puis, dans le cas où l’ennemi semblerait ne préparer aucun mouvement, d’engager les deux maréchaux à venir souper à Fontainebleau. Reçu, à son arrivée chez Marmont, par le colonel Fabvier, Gourgaud s’étonna de ce que le duc de Raguse eût quitté son poste, en des circonstances aussi graves, sans en avertir l’Empereur. Il insistait sur le péril possible de cet abandon, quand parut un officier porteur d’une dépêche du général de brigade Lucotte. Ce général avait remplacé le duc de Padoue (général Arrighi), renversé de cheval par un coup d’obus à la bataille du 30 mars, dans le commandement d’une division de réserve attachée au 6e corps, et qui gardait alors le pont et la ville de Corbeil. La venue de cette dépêche parut à Gourgaud accuser plus haut que tout ce qu’il pouvait dire l’absence du duc de Raguse. « Il faut l’ouvrir, dit-il à Fabvier ; peut-être annonce-t-elle une attaque de l’ennemi sur Corbeil. » Fabvier déchira l’enveloppe ; elle renfermait quelques lignes du général, ainsi qu’une copie de l’ordre du jour adressé par le maréchal à tous les commandants de division, pour leur annoncer l’abdication de l’Empereur. Cette copie, faite à la hâte, mal écrite, avait éveillé les soupçons de Lucotte. « Je vous envoie, écri-