Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
430
— 1814 —

mes adieux ! Depuis vingt ans je vous ai constamment trouvés sur le chemin de l’honneur et de la gloire. Dans ces derniers temps comme dans ceux de notre prospérité, vous n’avez cesse d’être des modèles de fidélité et de bravoure.

Avec des hommes tels que vous, notre cause n’était pas perdue ! Mais la guerre était interminable ; c’eut été la guerre civile, et la France en fût devenue plus malheureuse. J’ai donc sacrifié nos intérêts à ceux de la patrie. Je pars ! vous, mes amis, continuez de servir la France. Son bonheur était mon unique pensée ; il sera toujours l’objet de mes vœux.

Ne plaignez pas mon sort. Si j’ai consenti à me survivre, c’est pour servir encore à votre gloire. Je veux écrire les grandes choses que nous avons faites ensemble !... Adieu, mes enfants ! je voudrais vous presser tous sur mon cœur ! Que j’embrasse au moins votre général, votre drapeau ! »

Le général Petit s’avança, Napoléon le serra dans ses bras ; il prit une aigle et la pressa vivement contre sa poitrine. « Chère aigle ! s’écria-t-il en embrassant le glorieux emblème, que ce dernier baiser retentisse dans le cœur de tous mes soldats !

Adieu, encore une fois, mes vieux compagnons ! adieu ! »

Les yeux de Napoléon étaient humides. Toute la garde pleurait. L’émotion avait gagné jusqu’au commissaire anglais, le colonel Campbell, qui fondait en larmes. L’Empereur monta dans une voiture où se trouvait déjà le général Bertrand ; les chevaux partirent ; la garde sortit lentement de la cour du château, et la foule s’écoula en silence.

Le voyage de Napoléon jusqu’au lieu de son embarquement dura huit jours. Son passage, pendant la première moitié de la route, fut partout salué par les acclamations qui accueillaient sa présence au temps de sa grandeur : Cosnes-la-Charité, Nevers, Moulins, Roanne, entre autres villes, se firent remarquer par l’énergie de leurs manifestations ; associant l’infortune de Napoléon au sort de la patrie humiliée et vaincue, leurs habitants semblaient craindre de ne pas lui