Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
— 1800 - 1807 —

voir sa pitié en faveur du prince, d’un autre côté, Fouché, Murat, M. de Talleyrand, s’efforçaient de l’entraîner vers la plus extrême rigueur ; le dernier, surtout, multipliait les observations écrites, les notes, les avis, pour lui démontrer la nécessité de ne pas fléchir. Ce conflit d’influences dura près de deux jours. Le soir du 20 mars, madame Bonaparte et sa fille, apprenant l’arrivée prochaine du duc d’Enghien à Vincennes, redoublèrent leurs supplications ; la scène fut vive, émouvante ; le Premier Consul ne résista qu’avec peine. Les Bourbons n’avaient reculé devant aucun moyen, dans la guerre acharnée, implacable, qu’ils lui faisaient depuis quatre ans : machines infernales, complots, calomnies, ces princes avaient employé toutes les armes. Placé sous le coup de ces attaques incessantes, persuadé qu’il n’exerçait qu’un acte de défense personnelle et de justes représailles ; impatient, d’ailleurs, de mettre un terme aux illusions comme aux méfiances excitées par les refus bruyants de Louis XVIII à des demandes d’abdication qu’il ne lui avait point faites, Bonaparte venait de se décider à la violence. À peine sa belle-fille et sa femme l’avaient quitté, qu’il faisait appeler son aide de camp Savary : « Je ne pourrais pas supporter une seconde scène semblable à celle que je viens d’essuyer, lui dit-il ; vous allez vous rendre à Paris, auprès de Murat ; vous lui direz que j’ai pris mon parti. Voici, ajouta-t-il en lui remettant un pli épais, tous les ordres dont il a besoin ; vous recevrez de lui vos instructions particulières ; je n’ai personnellement à vous faire qu’une seule recommandation : que tout cela soit terminé demain matin ; je ne veux plus en entendre parler. » Murat était gouverneur de Paris ; la composition des conseils de guerre se trouvait dans ses attributions : peu d’instants après l’arrivée de l’aide de camp du Premier Consul, il transmettait en toute hâte les ordres nécessaires pour la réunion immédiate d’un tribunal militaire chargé de juger le duc d’Enghien. Ces juges devaient condamner, et Savary veiller à la