Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l l CORRESPONDANCE. 137 ‘ je n’oserais, avec le peu de santé que je vous connais, vous conseiller Petude; mais, vivant dans la retraite et toujours sur les livres, il n’est pas pardonnable de ne pas diriger ses occupations a un but. C’est la · perte du temps qui mene a cette inaction, qui semblait a Caton d’Utique • le plus grand des crimes. S’il est permis de se citer, j’ai, je crois, plus de feu, d’imagination, de santé, que vous; mais vous avez plus d’esprit et de suite: cependant, si vous ne m’en imposes • , il s’en faut de beau- coup que vous tiriez le meme parti du temps. Si vous employiez tout le loisir que votre humeur vous laisse, jugez de ce que vous pourriez _ faire! J‘en sais plus que vous, sur votre propre compte, si vous ne vous connaissez pas une grande étendue de géniet Votre humeurfquoique toujours mélancolique, est sujette a des va- riations, vos lettres en font foi; dans les unes, vous disputez, et vous voulez disputer; ici, vous passez condamnation sur tout, mais, toujours, vous étes également bon. Quant a notre dispute sur la nécessité d’é- tendre ses pensées, je ne reculerai pas d‘un pas : l’on doit écrire pour ceux qui sont dignes de lire; pour ceux-la, il sufiit d’étre clair, mais il est nécessaire d’étre concis. La pensée s’énerve dans le fatras du lan- gage !, et cette précaution choque notre amour-propre; les sots ne l’en- tendront pas; les esprits faux le prendront a gauche; ce n’est pas pour eux que l’on écrit; ce serait un effort inutile et déshonorant que de se mettre a leur portée. . Je n'ai regu aucune lettre de vous qui ne tut tres-montrable; mais je n’ai montré que les dernieres, qui sont pleines de traits originaux et de rétlexions; ilez-vous a mon amitié sur les precautions qu’e|les exi- gent. Je ne sais si l'on jouera ma comédie cet été; je m’en suis, sur cela, rapporté a un de mes amis qui n’était pas trop de ce sentiment-la, et je n’en ai pas encore des uouvelles précises. ` Adieu, mon cher Vauvenargues; avertissez-moi de tous vos change- ments, car je serais bien faché de vous perdre. Adieu; soyez sur de ma vive amitié.

  • On le voit encore a ce mot, Mirabeau soupconne que Vauvenargues ne

s’cuvre pas entierement a lui. — G.

  • Voila une vérité que Mirabeau lui·méme a prouvée, surabondamment, par

sos ouvrlg6s.•— G.