Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/155

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l . CORRESPON DANCE. 139 ave: horreur de mon oisiveté. Elle n’a pas toujours été aussi grande, mon cher Mirabeau; il y a eu des temps on j’ai lu; mais ces temps-la sont un point dans ma vie. J’ai toujours ‘ été obsédé de mes pensées et de mes passions; ce n’est pas • la une dissipation, comme vous croyez, mais une distraction continuelle, et une occupation tres-vive, quoique presque toujours inquiéte et inutile. Je serai d’un meilleur com- merce quand je serai vieux; je veux, du moins, avoir cette espérance. La raison et vos conseils pourront alors beaucoup sur moi; il est vrai qu’il sera bien tardl Mais que puis-je y faire, mon cber Mirabeau 7 mes goats, mon caractare, ma conduite, mes volontés, mes passions, tout était décidé avant moi; mon coeur, mon esprit, et mon tempérament ont été faits ensemble, sans que j’y aie rien pu, et, dans leur assortiment, on aurait pu voir ma pauvre santé, mes faiblesses, mes erreurs, avant qu’elles fussent formées, si l’on avait eu de bons yeux. —- ll y a des remédes, me dit-on, contre les infirmités du corps"; on fortifie un homme faible par des secours étrangers; le régime le soutient I — Cela est vrai, quelquefois; mais on veut guérir les maux du corps, sans renoncer a ses folies, et la com paraison n' est pas juste, quoiqu’il y ait aussi des remedes pour les maux de l’ame. Eniin, mon cber Mirabeau, si je m’étais formé moi—méme, je crois que je vaudrais mieux. Mais iinissons ce chapitre; me voila retombé dans le moi plus que jamais, et voila tout- le commencement de ma lettre ridicule! Cela se fait sans qu’on le veuille; riez-en, mon cher Mirabeau, je n’en serai pas faché. . Meyronnet vous aura mandé comme on a fait une injus- tice au petit chevalier, en donnant une lieutenance a un neveu du major, qui est son cadet; je sens le tort qu’on lui fait; et je prévois que vous le sentirez trés-vivement; c’est un chagrin réel pour moi. L’on a mis encore devant lui deux ou trois pages du Roi; mais cela est moins désagréable : ils ont tous quatrc ou cinq ans de plus que le chevalier, et le ‘ Boi veut que le service qu’ils ont fait auprés de sa personne 1 I . _ I