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Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/194

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` t78 CORRESPONDANCE. ce travail. La pompe et les prospérités d’une fortune écla- tante n’ont jamais élevé personne, aux yeux de la vertu et de la vérité; l’ame est grande par ses pensées et par ses propres sentiments, le reste lui est étranger; cela seul est en son pouvoir. Mais, lorsqu'il lui est refusé d’étendre au dehors son action, elle l’exerceen elle-meme, d’une maniere inconnue aux esprits faibles et légers, que Faction du corps seul occupe. Semblables a des somnambules qui parlent et qui marchent en dormant, ces derniers ne connaissent point cette suite impétueuse et` féconde de pensées, qui forment un si vif sentiment dans le coeur des hommes profonds; leur agitation n’est qu’un sommeil; leurs passions, des son- ges bizarres; leurs joies, une vile ivresse, et leurs plaisirs, un abrutissement; mais la raison et la sagesse savent créer des plaisirs, des occupations, des vertus, sans Bmprunter de la gloire, ni de l’éclat de la fortune, une félicité trop souvent reprochable, trop fragile, et trop achetée. Voila, mon cher Mirabeau, un jargon bien philosophique; je dois m’en excuser. — Mais ce langage, dites—vous, contredit bien vos conseils? — Nullement, mon cher ami; ily a plu- sieurs sortes de grandeur et plusieurs sortes de bonbeur; on va au meme but par diiférents chemins. Je vous conseil- lais les voies que je vous croyais ouvertes, et le bonheur que je vous croyais propre; il se trouve que je me trom- pais en tout; je reviens done sans resistance, et j’entre dans vos sentiments; tout cela est naturel. Je suis fort ‘ aise de m’etre trompé au sujet de la cour; vous n’y aurez jamais de regret; cela constate votre état, et justifie votre conduite. W Vous me faites grand plaisir de me redresser sur la poésie: je ne dirai plus la meme sottise, car j’ai concu votre idée, comme si c’e1lt été la mienne. Je ne·sais, cependant, sice que je vous disais ne conviendrait pas un peu a des poetes médiocres; j’ai peine a me persuader qu’ils soient toujours dans Pentbousiasme ; je pensais que, hors certains endroits qui frappeut l’imagination dans les poésies ordinaires, le