Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/205

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CORRESPONDANCE. tw Dites-moi pourquoi je vous conte cela? ll n’y a rien de si miserable que la conclusion; la voici : c’est que je n’irai point a Paris, cet hiver, et que je n’y puis point aller; je ne sais si cette consequence est bien ou mal amenée, mais c’est ma résolution. Je suis faché qu’il me soit impossible d’étre, cet été, en Provence, car j’aurais été vous voir, et je vous aurais fait compagnie. Je suis bon dans la solitude, ou excessivement mauvais, car je cause éternellement; le petit - chevalier potirra bien vous le dire. ll vient fort souvent, et il veut bien me témoigner qu’il ne s’ennuie pas avec moi; je lui en sais tres-bon gré. J’aime sa raison naissante, et sa jeunesse naive; la vérité de son es- prit, de son cceur, de ses maniéres, me touche toujours beau- coup. Je lui trouve dans l’humeur quelque chose des Riqueti, qui n’est point concilianv; mais il a bien envie de se faire estimer; cela le corrigera. Je ne manque pas de lui dire qu' on n’est guére estimé, quand on n’est point aimé; il n’y a que les ames fortes et les esprits supérieurs, c’est·a-dire pres- que personne, qui tombent dans l’exces contraire, qui est d’estimer ce qu’ils haissent au-dela de ce qu’il vaut. La- dessus, il me demande comment on se fait aimer : je lui - dis que_c’est en se faisant estimer; ces deux choses-la, en etfet, doivent etre toujours unies; on n’estime guére quel- qu’un, lorsqu’on ne l’aime pas, et l’on aime médiocrement, lorsqu’on estime peu; mais, comme il ne sutlit point, pour obtenir l’amitié, d’avoir de la douceur et de la complaisance. ce n’est point assez non plus, pour s’attirer de l’estime, d’avoir des vertus et du génie. Les soins d’un homme qu’on méprise sont méprisés comme lui, et le mérite odieux est toujours rabaissé, et, souvent, méconnu : l’on n’est donc . peut-etre jamais ni aimable, ni estimable, que l’on ne soit ¤ Que! dommage, disait M"' de Pompadour, que tous ces Mirabeau soirnt si mauvaises tétes! Le marquis dit souvent, de son coté : Les passions tres- vim furent toujours catcinées dans notre sang; entln son tils, le grand ora- teur, ajoute : L’audace et Pappétit de Pimpossible est un des earactéres dis- tinetifs de notre race,. . Notre nom etait, pour tes singularités tranclumtes, aussi noté que celui do Roquelaure, pour les bans mots. (Voir les Mémoires de Hira- beau, i" vol., pages 57, 77, 80, 205 et 209.) — G.