Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/241

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I • l CORRESPONDANCE. 225 du gout de la vertu, ne les- sentait presque pas; il était dans une espece de délire, qui atfaiblissait le sentiment de tous ses maux, et il ne croyait pas meme que c`en fussent de réels, dans le temps qu’il les surmontait, qu’il conser- vait son courage, et qu’il était embrasé d’un sentiment bien plus vif, bien plus pur, bien plus ardent; mais, si on l’edt interrogé une heure apres, il n’aurait peut-etre pas répondu de meme. Le feu de l’orgueil, de la gloire, se consume bien- tot lui·meme, l0rsqu’i1 ne tire point de nourriture du de- hors; il tombe, il périt, il s’éteint; et alors, mon cher Saint- Vincens, l’homme éprouve de la douleur; il en reconnait le pouvoir, et ne trouve au-dedans de lui que ce vide épou- vantable que vous avez éprouvé. Les hommes, mon cher Saint-Vincens, ne font qu' une société, l’univers entier n’est ° qu’un tout, il n’y a dans toute la nature qu’une seule Ame, un seul corps; celui qui se retranche de ce corps fait périr l la vie en lui, il se seche, il se consume dans une alfreuse langueur; il est digne de compassion. Mais quelle bouilée de philosophie, quelle ridicule abondancel Mon cher Saint-Vincens, je suis charmé que vous soyez revenu de vos anciennes erreurs; vous m’avez fait grand plaisir de dissiper- les fantemes que vous m’aviez présentés ; votre derniere lettre me tenait en peine; je me réjouis, de tout mon coeur, de vous voir rendu a vous-meme et a votre état naturel. Mais j’ai autre chose a vous dire, et c’est pour cela meme que je vous réponds avec tant d’exactitude et de precipitation : vous savez que mon pere est ici, depuis trois mois; il y avait six ans.qu’il n’y avait couché; aujour- d’hui, il s’y trouve bien, il se propose d’y passer l’hiver, il l’a dit depuis quelques jours. Cette résolution m’ell`raie, mon cher Saint-Vincens, et m’en a fait prendre une autre; j’ai envie de m’en aller a Paris, et de me dérober incessamment a ce séjour solitaire. Je n’aurai pas grand plaisir a Paris; c’est un pays que je ne connais point, et d’une grande dé- pense; mais j’y ferai, si je puis, des remedes pour mes yeux; il y a longtemps que j’en ai envie, ils sont fort affai-

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