Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/291

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pêche d’entrer avec vous, Monsieur, dans un plus long détail, et de vous soumettre mes idées ; mais rien ne m’empêche de sentir le plaisir que me donnent les vôtres.

Je ne preterai à personne le dernier manuscrit que vous avez eu la bonte de me confier. Je ne pus refuser le premier A une personne digne d‘en etre touchee. La singularite frappante de cet ouvrage, eu faisant des admirateurs, a fait, necessairement, des indiscrets; Pouvrage a couru; il est tombe entre les mains de M. de La Bruere ’, qui, n’en connaissant pas l’auteur, a voulu, dit-on, en enrichir son Mercure. Ce Monsieur de La Bruere est un homme de merite et de gout; il faudra que vous lui pardonniez; il n’aura pas toujours de pareils presents A faire au public. J’ai voulu en arreter l'impression, mais on m’a dit qu’il n’en etait plus temps. Avalez, je vous prie, ce petit degout, si vous haïssez la gloire.

Votre etat ’ me touche A mesure que je vois les productions de votre

  • Bruere (Charles Le Clerc de La) eut le privilege du Mercure depuis 17hh

jusqu’A sa mort, arrivee en 175I;, A l’Age de 39 ans. Le Mercure, sous lui et sous Fuzelier, son associé, ne fut point le bureau de la satire ; il sut le rendre intéressant par d’autres moyens. Voltaire a fait, A l’occasion d’une pièce de cet auteur (les Voyages de l’Amour, opéra représente en mai 1736), les vers suivants. que nous citons parce qu’ils sont peu connus :

L’amour t’a prete son flambeau;
Quinault, son ministre fidele,
T’a laisse son plus don! pinceau ;
Tu vas jouir d’un sort si beau,
Sans jamais trouver de cruelle,
Et sans redouter un Boileau... t - B.

  • On a vu, dans Ia lettre {OG’, que Vauvenargues retournait malgre lui en

Provence, et que sa famille ne voulant se préter ei rieu, il renoncait A l’idee d’entrer dans la diplomatie, pour prendre des vues plus conformes ci sa situation. Cette dernière phrase, et celles qui la suivent, montrent que, des ce moment-lA,"il aongeait A ecrire pour le public, bien que, dans le fond, ce parti lui répugndt. Bn edet, il soumet immédiatement A l'appreciation de Voltaire . (Lettres 107* et 108•) différents morceaux qu’il se proposait de publier. A la_ Bn du mois de mai, ou dans les premiers jours du mois de juin i7!ih, il arrive à Aix (Lettre 10Q’). LA, A force d’instances, sans doute, il avait obtenu de sa famille qu’elle lui permit de reprendre ses projets diplomatiques, ear Marmontel, dans une petite notice qu’il lui a consacree (Epitre d Voltaire ), nous apprend que Vauvenargues, retire dans sa famille, en attendant le moment d’etre employe, se livrait aux etudes de son nouvel état, quand il fut pris d’une petite-verole de l'espéce la plus maligne. e Detlgure, ajoute Marmontel, par les traces qu’elle avait laissees, attaque d’un mal de poitrine qui l’a conduit au tombeau, et presque privé de la vue, il se vit obligé de remercier le ministère des desseins qu’il avait sur lui. • —— C’est A ce triste état que Voltaire fait ici allusion, et c’est alors que Vauvenargues, à bout de ressources et d’espérances, revint à ses projets littéraires, comme à la seule occupation qui lui fut désormais possible, et A la seule occasion de gloire qui lui restât. — G.