Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/86

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70 FRAGME.NTSs ils n’ont point rejeté la vérité, lorsqn’elle a pu servir a leur dessein; mais ils luiont associé ou substitué Perreur, lors- qu’elle leur a été utile; de sorte que les livres les plus esti- més n’ont plus été des titres et des archives de la vérité, mais de simples. recueils d’esprit et de pensées vraies on fausses. Je serais bien porté acroire que l’objet des pre- ’miers hommes qui ont écrit n’a pas été si vain et si fri`- vole : il `y a grande apparence que les premiers auteurs de réllexions se sont flattés de découvrir la vérité a.leu_rs lee- teurs, et que les premiere lecteurs ont espéré de recevoir cette lumiére de leurs maitres; mais, homme les découvertes ne se sont faites que peu a peu, et per diiiérents homrnes qui, tous, ont envisage les objets par divers cotés, de la s’est formée dans l' esprit des bommes une confusion de pen- sées et de principes, que peu ont eu la force de développer et de réunir sous un meme point de vue. Plus les réllexions et les vues se sont multipliées, plus les hommes se sont trouvés accablés de cette infinite de connaissances, moins leur esprit s' est trouvé capable de les dépouiller des erréurs qui les accompagnent‘, et de les réduire en principes. Faute de pouvoir accorder un grand nombre de réllexions con- - tradictoires en apparence, ou véritablement incompatibles, plusieurs se sont persuadés qu’i1 n’appertenait pas a l’homme de connaitre la. vérité, car le pyrrhonisme est né de Yimpuissance de l’·esprit, comme l’indiil`érence de la ve- rité est née du pyrrhonisme. On a·fait ce raisonnement : s‘il y a tant de choses également appsrentes et néanmoins incompstibles, ou tout est erreur dans le monde, ou l’es-· prit de l’homme est incapable de démeler _la vérité; or, si la vérité ne peut étre connue, c' est une folie de le chercher. Alors, et les auteurs et les lecteurs sont convenus qu’il n’é· tait plus question que d’avoir de l’esprit, et les uns n’ont écrit, et les autres n’ont lu, que dans cette unique pensée. Mais, parce que le plus grand nombre des hommes aime ` ¤ Voir Ia Maxime 271* et ses variantes; voir aussi le Diacours our Ic Carac- lére des diflhents siécles; — G. .