Page:Venard - Memoires de Celeste Mogador - vol 1 1858.djvu/19

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mais je regrette qu’elle l’ait eue. J’étais toujours dehors en course ou à jouer. De là me vient ce caractère résolu et indépendant que vous me reconnaissez, je crois.

Je ne pouvais pas souffrir les amusements des petites filles, et si je m’amusais c’était plutôt à des jeux de garçons. Je préférais mille fois une boîte de soldats à une poupée. Mes goûts tenaient un peu du reste à mon entourage.

Nous étions chapeliers. Il y avait toujours un va-et-vient de cinq ou six ouvriers à l’atelier. Ces ouvriers, qui m’avaient vu élever, reportaient sur moi toute l’affection qu’ils avaient pour mon père. J’étais gâtée, volontaire.

À côté du souvenir dès personnes qui m’aimaient vient s’en placer tout de suite un autre, qui a pesé bien lourdement sur ma vie.

Il y avait un homme grand, qui venait souvent à la boutique. Je le détestais. J’étais heureuse quand je pouvais lui dire des choses désagréables, ce qui arrivait souvent. Comme j’étais mal élevée, j’étais grossière. Mais au lieu de se fâcher, il me faisait mille petits présents ; il s’extasiait sur ma beauté.

Il vantait mon esprit ; il disait que, s’il avait une fille comme moi, il serait le plus heureux des hommes.