Page:Verhaeren - Émile Verhaeren, 1883-1896, 1896.djvu/40

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Les fenêtres, sur le rivage,
Comme des yeux grands et fiévreux,
Et les cadrans des tours, ces veuves
Droites, de mille en mille, au bord des fleuves,
Fixaient obstinément
Cet homme fou en son entêtement
À prolonger son dur voyage.

 
Celle, là-bas, qui le hélait
Dans les brumes, hurlait, hurlait,
La tête effrayamment tendue
Vers l’inconnu de l’étendue.


Le passeur d’eau, comme quelqu’un d’airain,
Planté dans la tempête blême,
Avec l’unique rame entre ses mains
Battait les flots, mordait les flots — quand même ;


Ses vieux regards hallucinés
Voyaient des loins illuminés
D’où lui venait toujours la voix
Lamentable sous les cieux froids.