Page:Verhaeren - Émile Verhaeren, 1883-1896, 1896.djvu/50

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Las d’obéir, chargent, molassement,
Le peuple énorme et véhément
Qui veut enfin que sur sa tête
Luisent les ors sanglants et violents de la conquête.

— Tuer, pour rajeunir et pour créer !
Ainsi que la nature inassouvie
Mordre le but, éperduement,
À travers la folie horrible d’un moment :
Tuer ou s’immoler pour tordre de la vie !

Voici des ponts et des maisons qui brûlent,
En façades de sang, sur le fond noir du crépuscule ;
L’eau des canaux en réfléchit les fumantes splendeurs,
De haut en bas, jusqu’en ses profondeurs ;
D’énormes tours obliquement dorées
Barrent la ville au loin d’ombres démesurées ;
Les bras des feux, ouvrant leurs mains funèbres,
Éparpillent des tisons d’or par les ténèbres ;
Et les brasiers des toits sautent en bonds sauvages,
Hors d’eux-mêmes, jusqu’aux nuages.