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Page:Verhaeren - Œuvres, t9, 1933.djvu/277

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les plaines


Le monde entier tient dans leur bourg ou leur hameau.

La ville aux flammes d’or, la ville,
Elle est là-bas, l’usine en feu d’où tous les maux
Tombent sur les plaines serviles.

Dans leurs marchés, les mots vagues qu’ils font mouvoir
N’égarent point leur vigilance ;
Ils n’ont qu’un but, c’est d’épier ou de savoir
Ce que renferme leur silence.

Leur champ est sous leur main, leur ferme est sous leur œil ;
Bêtes et gens, ils les oppriment ;
La terre est à tel point leur affre et leur orgueil
Qu’ils l’adorent jusques au crime.

Tous espèrent, sans qu’ils l’avouent, durer cent ans,
Comme tel vieux de leur village ;
Et puis — sait-on — si l’ombre et la mort et le temps
Viendront à bout de leur grand âge ?

Ils demeurent enracinés, comme des troncs,
Dans leurs tares et dans leurs vices :
Ils trouvent juste et clair et bon tout ce qu’ils font

Et que les autres en pâtissent.