Page:Verhaeren - Almanach, 1895.djvu/14

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Par le soir trouble et flagellant,
en des manteaux usés de vent,
vague l’hiver nocturne et blanc.

Les villages comme amoindris
serrent leurs toits et leurs taudis
et calfeutrent leur peur ;
ils s’alignent au bord des routes mortes,
où chaque âtre, dessous la porte,
glisse en biseau sa coupante lueur.

La neige épand ses laines
et ses flocons parmi les plaines
et déchiquette de la haine
en rafales folles et vaines.

Elle dissémine ses mille loques
minuscules, qui s’effiloquent
à travers champs, en chaque coin,
où de grands arbres de silence
échelonnent leur vigilance
vers l’infini, de loin en loin.