Page:Verhaeren - Almanach, 1895.djvu/34

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voici les orges irascibles
et les rameaux crispés des vieux vergers
sous des brûlures invisibles.

Depuis des jours, depuis des temps,
minutieux et persistant,
le soleil perce à coups d’aiguilles
la vie éparse en volontés tranquilles ;
le soleil mord, le soleil vrille
le sol brûlant et haletant
et ploie et broie en sa torture
l’espoir en or de la moisson future.

La terre entière, elle est paralysée.

— Dites à quand les émeutes, les rages
et l’entre-choquement des blocs d’orage
et les pâles éclairs dans la nue ardoisée ?

En attendant, unique au loin
un carreau luit du fond d’un coin
et sa lueur, comme un grand jet de haine,
de part en part traverse au cœur la plaine.