Page:Verhaeren - Deux Drames, 1917.djvu/137

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En toi, que je l’avais, jadis, aux temps déments,
Où ma raison faillit sombrer dans le désordre.
Tu m’appelais ton frère, et j’adorais ce nom
Trouvé, par toi, parmi les mots de ta tendresse.
Tu m’étais mieux qu’un prince, et plus qu’un compagnon ;
Tu me fus doux et secourable et ma détresse
Devant toi seul, un jour, osa pleurer sans peur.
Ces temps sont déjà loin de maux et de malheurs,
Mais peuvent revenir, si mon père s’acharne.
L’astuce et la torture en son cerveau s’incarnent.
La nuit, il passe en mes rêves, et je le sens
Marcher, vers mon repos, par un chemin de sang,
Me caresser le front, les yeux, le cou, la gorge,
Avec ses longues mains qui tout à coup égorgent,
Avec ses traîtres doigts, avec ses doigts d’effroi
Et d’ombre… Ah ! mon frère Don Juan, lorsqu’on est moi
Comprends-tu que l’on crie et que l’on morde !

DON JUAN (spontané)

Ah ! certes !

DON CARLOS

Philippe II était encore infant, comme moi, qu’il gou-