Page:Verhaeren - Deux Drames, 1917.djvu/196

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Que nous importe, à l’heure où c’est moi seul qui monte,
Où mon impatience, avec fièvre, décompte
Les trop nombreux instants qui retardent encor
Mon arrivée en Flandre, avec mes clairons d’or.
Je te défends, je te protège, et je te porte,
Je te verse la fière ardeur que tu versas,
Aux jours de deuil torpide et lourd, en mon cœur las.
Ma jeunesse conquise enfin te fait escorte ;
Je te sauve à mon tour et t’enflamme de moi…

CARLOS, comme enivré, penche la tête sur l’épaule de la COMTESSE.
LA COMTESSE (maternelle)

Berce en mes bras ta fièvre et ton triomphe, ô roi !
Espère et sois heureux de ta belle folie,
Goûte la volupté de tes désirs ; oublie
Ton passé morne et prends ton rêve merveilleux
Pour un monde réel que t’aurait fait un dieu.
Je t’aime trop, à cette heure, pour t’en distraire.
Tu te chantes vainqueur et dominant la terre,
Avec des mots jaillis du fond de ton bonheur.
Dût-il passer demain, sa joie et sa lueur
Illuminent quand même en ce moment ta tête.