Page:Verhaeren - Deux Drames, 1917.djvu/203

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Tant ma victoire est sûre et ma fuite certaine.
Avec ou sans mon père, il n’importe comment,
J’accomplirai ce que j’ai dit, superbement.
Don Juan m’escortera, comme un beau capitaine.
Il m’aime, alors qu’il n’aime pas le roi. Son cœur
Ne pourra résister au flux de mon bonheur
Qui largement l’emportera dans sa marée.
Jamais je n’ai senti mon âme aussi dorée…

Il se rapproche de la COMTESSE.

Oh ! donne-moi tes doigts, tes mains, ton front, tes yeux !
Laisse s’ouvrir le jardin d’or de tes cheveux
Où des lueurs et des parfums flottent et bougent.

Il dénoue la chevelure de la COMTESSE.

Donne ta bouche à ma bouche, ta bouche rouge
Pour que ma bouche, enfant, en dévore le feu.

Il l’embrasse follement, puis il veut s’en aller. Elle le retient plus fort.
LA COMTESSE

Restons ici, veux-tu, longtemps, longtemps encore.
J’ai peur, sais-je pourquoi ? de cette brusque aurore,
Que des barres en noir lignent à l’horizon.
Répète-moi que j’ai ton cœur, que j’ai raison
De m’abîmer en toi pour ne plus me reprendre.