Page:Verhaeren - James Ensor, 1908.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tons les plus purs et les plus clairs des toiles les plus célèbres semblent grossiers et troubles.

En 1882, James Ensor achève le Pouilleux, la Dame en détresse, la Dame au châle bleu et la Mangeuse d’huîtres.

La première de ces quatre œuvres fut exposée en 1883 à l’Essor et fut acquise pour le musée d’Ostende. Elle indique une orientation nouvelle dans le choix des sujets. Le Pouilleux sera suivi bientôt par les Masques scandalisés (1883), et ceux-ci ouvriront à l’artiste une voie étrange où pendant longtemps son imagination se complaira. Le Pouilleux est pris dans la réalité quotidienne. Il a traîné son corps et sa guenille sur les quais. Il se peut que jadis il fût pêcheur : son teint basané et son œil vif furent certes lustrés par la mer. Le voici dans un morne logis, assis près d’un poêle, les sabots rapprochés du feu. Il regarde et ses traits profèrent on ne sait quelle vague goguenardise.

La Dame en détresse qu’on admirait en 1886 à l’exposition des XX représente une femme couchée sur un lit. Un jour ardent pénètre à travers des rideaux fauves. L’affaissement du corps, son abattement, est admirablement rendu. Cette longue ligne horizontale commande au tableau. Quelque chose d’inquiétant émane de la scène. Certes peut-on songer à quelque drame. Mais il est toujours facile et trop facile de faire, à propos des œuvres picturales, des réflexions gratuitement littéraires. Il s’en faut garder, quand l’évidence ne les fournit point.

Oh l’admirable tâche que celle du châle de la Dame au châle bleu. Déjà dans le Flacon bleu (1880) cette