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LE CRIME ALLEMAND


Ce fut en Août, là-bas, au Reichstag, à Berlin,
Que ceux en qui le monde avait mis sa foi folle
Se turent quand sonna la mauvaise parole.
Un nuage passa sur le front du destin.
Ceux qui l’avaient proscrite accueillirent la guerre ;
La vieille Mort casquée, atroce, autoritaire,
Sortit de sa caserne avec son linceul blanc
Pour en traîner l’horreur sur les pays sanglants.
Son ombre s’allongea sur les villes en flammes ;
Le monde se trahit et tua la grande âme
Qu’il se composait avec ferveur pour qu’elle soit
L’âme du Droit
Devant l’audace inique et la force funeste ;
À l’ennemi dont brûle et ravage le geste
On opposa le bras qui frappe et qui déteste ;
Les foules s’acharnaient à se haïr, soudain ;
Le clair passé glissait au ténébreux demain.

Tout se niait et ne fut plus en somme
Que fureur répandue et que rage dardée ;
Au fond des bourgs et des campagnes
On prenait peur d’être un vivant,
Car c’est là ton crime et ta honte, Allemagne,
D’avoir détruit en notre temps
L’idée
Que se faisait superbement
L’homme, de l’homme.

— VII —