Page:Verhaeren - Les Ailes rouges de la guerre, 1916.djvu/214

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À la voir si farouche et si puissante au loin,
On eût dit parfois qu’elle seule était le monde ;
Sa force se prouvait tranquillement féconde :
Elle était dans sa main et non pas dans son poing.
Mais si belle que fût sa grandeur couronnée,
Elle aimait qu’on la vît ample, mais éloignée ;
Elle attisait dans le tréfond de son vieux cœur
Les périlleux amours et les chères erreurs
Et l’antique brasier d’où s’élevaient leurs flammes,
Afin que son orgueil pût, même en notre temps,
Grandir encor en s’exaltant
De l’égoïste ardeur qui calcine les âmes.

Or, aujourd’hui,
Nul ne peut plus vivre pour lui
Seul, loin des autres.
Tout ce qui est d’autrui devient aussitôt nôtre.
Tout ce qui est ou mobile ou changeant
Ici, là-bas, plus loin, au bout de l’Océan,
Importe à mon pays, à ma race, à mon être.