Page:Verhaeren - Les Ailes rouges de la guerre, 1916.djvu/77

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On partageait le pain, la haine et le danger ;
Les gamins se glissant dans l’ombre à ras de terre,
Apportaient la gamelle aux postes militaires
Et parfois la grenade où la mort fermentait.
La ferme et tous ses gens âprement combattaient.

Derrière un mur encor debout, dans la nuit noire,
Ils avaient ménagé un brusque observatoire
Que l’ennemi pendant longtemps ne devina.
Sur les taillis voisins son canon s’acharna.
Dans le verger traînait le fil télégraphique
Qui reliait la ferme au terrain héroïque,
Si bien que tous les jours avec un élan fol,
Quoique fixée et maintenue au sol,
Grâce à ce grand pan de muraille écroulée,
Elle se projetait jusqu’au cœur des mêlées.

La nuit, quand la ténèbre était d’argent et d’or,
Le fermier s’en venait rendre visite aux morts :