Des jardins d’or y sommeillaient sous de grands arbres ;
Des rivières y sillonnaient des quais de marbre ;
Des pas massifs et réguliers de soldats roux
Couraient au loin, sous un envol de drapeaux fous ;
Sur des tertres, montaient de hauts laboratoires ;
Des usines brûlaient les vents, avec leurs feux,
Et tout cela priait, frappait, mordait les cieux,
Avec un élan tel, que souriait la gloire.
Et c’était Rome, et puis Florence et puis Paris,
Et puis Londres et puis, au loin, les Amériques ;
C’était le travail fou et ses fièvres lyriques
Et sa lueur énorme à travers les esprits.
Le globe était conquis. On savait l’étendue.
Des feux pareils aux feux des étoiles, là-haut,
Faisaient des gestes d’or : on eût dit des flambeaux
Fixés pour ramener la pensée éperdue ;
Comme autrefois, les poètes fervents et clairs
Passaient pareils aux dieux, dans l’étendue ardente,
Ils grandissaient leur siècle — Hugo, Shakespeare, Dante —
Et dédiaient leur vie au cœur de l’univers.
Et Pégase sentit ces visions nouvelles
Si largement éblouir ses prunelles
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