Page:Verhaeren - Les Forces tumultueuses, 1902.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici sa face et le voile que Véronique
T’apporte avec les clous, le suaire et la lance.

Voici l’heure nouvelle et douée du silence :
Pour la première fois, avec ferveur,
L’homme s’en vient baiser les yeux de sa douleur !
Vénus, voici le sang, voici la lie,
Dans le calice ardent des chrétiennes folies ;
Voici le cœur torride et blanc du bien-aimé :
Buissons de feu ! brasiers d’extase !
Pâles ciboires d’or où se transvase,
À l’infini, l’amour immense et affamé !

Brûlures d’âme, au fond de la chair folle !
L’être total, ravagé en aimant,
Sans néanmoins savoir comment
Trouver, pour se donner, la suprême parole !

Sourires clairs en des larmes heureuses !
Bonnes douleurs et tendresses peureuses !
Balbutiements familiers et pieux !
Et tout à coup, ce don de prophétie
Quand l’âme, en un moment, se change en dieu,
Comme l’hostie !