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Page:Verhaeren - Les Forces tumultueuses, 1902.djvu/64

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J’aime l’homme comme une proie
Et je te veux, toi, quelque autre, qu’importe,
Tous les tressauts humains heurtent ma porte,
Mais seul tu es celui qui ne seras heureux
Qu’en t’affolant dans ma folie ;
Tue, à force d’aimer mon large instinct, tes vœux,
Rince ton cœur de ses mélancolies,
Et songe à tout le temps déjà perdu !

— Dans le jardin contradictoire et rouge
De nos désirs tordus,
Où les rosiers de tes amours brûlent et bougent,
Je me veux égarer une suprême fois ;
Je renierai mes cris en écoutant ta voix,
Je ferai ma raison de tes paroles
Nettes ou folles,
Je serai serf, avec ténacité,
Et nous irons à deux, si bellement domptés
Par le vouloir d’être ivres de nous-mêmes,
Que nous oublierons tout — jusques à Dieu.
J’aurai pour flamme en ma tête, tes yeux ;
Pour sagesse ton rire ou ton blasphème,
Et pour haine, tout mon passé.
Nous dresserons nos corps ardents et enlacés,