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Rusés et patients, comme les éléments,
Recommençant l’effort qui, tous les jours, échoue
Pour conquérir, grâce aux reflux, un peu de boue,
Ils semblent s’acharner à un travail dément.

Mais telle est leur ardeur raisonnée et prodigue,
Qu’avec des Joncs couchés, qu’avec des troncs debouts,
Dans les vases, la pourriture et les cailloux,
Ils parviennent quand même à maintenir leurs digues.

Le souci du futur crie en leurs cœurs battants,
Plus haut que tous les flots hurlant, sous les tonnerres.
Les fils hériteront du front têtu des pères
Dans cet œuvre qui va de cent ans en cent ans.

Et tels, sous les deux lourds et les brouillards de cendre,
Avec leurs yeux, leurs dents, leurs reins, leurs pieds, leurs bras,
Violemment, inventent-ils ce sol ingrat
D’où surgira, un jour, aux temps d’orgueil, la Flandre.