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Et la Flandre ploya, saigna, traîna son deuil
Et chût, le front chargé d’un trop nombreux orgueil.


Heures sombres ! mais qui furent encor plus sombres,
Quand la cité qu’on jalousait,
Gand lui-même se dépeçait,
À coups d’ongles, dans l’ombre.
Ses deux métiers, tisserands et foulons,
Sentant sur eux souffler les aquilons
De leurs rages, de jour en jour, accrues,
Se provoquaient, le long des rues.
Et s’attaquaient autour des ponts, au pied des tours.
La nuit retentissait du choc de leurs querelles
Et quand l’aube glissait à travers les ruelles,
Des mares de sang noir caillaient aux carrefours.


Haletante, tragique, horrible et carnassière,
La victoire resta aux mains des tisserands ;
Les foulons lourds virent la mort coucher leurs rangs ;
L’arbre de leur orgueil tomba dans la poussière ;
Ils étaient les rameaux ; Artevelde le tronc.
Ô quel écroulement jetant à bas sa cause.