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XV


J’ai cru à tout jamais notre joie engourdie
Comme un soleil fané avant qu’il ne fût nuit,
Le jour qu’avec ses bras de plomb, la maladie
M’a lourdement traîné vers son fauteuil d’ennui.

Les fleurs et le jardin m’étaient crainte ou fallace ;
Mes yeux souffraient à voir flamber les midis blancs,
Et mes deux mains, mes mains, semblaient déjà trop lasses
Pour retenir captif notre bonheur tremblant.

Mes désirs n’étaient plus que des plantes mauvaises,
Ils se mordaient entre eux comme au vent les chardons,
Je me sentais le cœur à la fois glace et braise
Et tout à coup aride et rebelle aux pardons.