Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/101

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Avec le chaos sombre et la terre et les eaux ;
La lune et le soleil marquaient d’un double sceau,
Dans l’étendue ardente et nouvelle, leur place.
Jéhovah bondissait et volait dans l’espace,
Baigné par la lumière ou porté par le vent ;
Le ciel, la mer, les monts, tout paraissait vivant
D’une force ample et lente, et dûment ordonnée ;
Devant son créateur, la belle Ève étonnée
Levait ses tendres mains et ployait le genou,
Tandis qu’Adam sentait le doigt du Dieu jaloux
Toucher ses doigts et l’appeler aux œuvres grandes ;
Et Caïn et Abel préparaient leurs offrandes ;
Et le démon devenu femme et tentateur
Ornait de ses seins lourds l’arbre dominateur ;
Et, sous les pampres d’or de son clos tributaire ;
L’ivresse de Noé s’échouait sur le sol ;
Et le déluge noir épandait comme un vol
Ses larges ailes d’eau sur les bois et la terre.

Dans ce travail géant que seul il acheva
Michel-Ange brûlait du feu de Jéhovah ;