Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/26

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Et toi, clarté chantante et douce des fontaines,
Et vous, minéraux froids, subtils et ténébreux,
Et vous, astres mêlés au tournoiement des cieux,
Et toi, fleuve jeté aux flots océaniques,
Et toi, le temps, et vous, l’espace et l’infini,
Et vous enfin, cerveaux d’Ève et d’Adam, unis
Pour la vie innombrable et pour la mort unique.

L’homme sentit bientôt comme un multiple aimant
Solliciter sa force et la mêler aux choses ;
Il devinait les buts, il soupçonnait les causes
Et les mots s’exaltaient sur ses lèvres d’amant ;
Son cœur naïf, sans le vouloir, aima la terre
Et l’eau obéissante et l’arbre autoritaire
Et les feux jaillissants des cailloux fracassés.
Les fruits tentaient sa bouche avec leurs ors placides
Et les raisins broyés des grappes translucides
Illuminaient sa soif avant de l’apaiser.
Et la chasse et la lutte et les bêtes hurlantes
Éveillèrent l’adresse endormie en ses mains,
Et l’orgueil le dota de forces violentes