Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/28

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Qui dompterait la terre et ses forces un jour.
Vous lui apparaissiez, vous, les douleurs sacrées,
Et vous, les désespoirs, et vous, les maux profonds,
Et d’avance la grande Ève transfigurée
Prit vos mains en ses mains et vous baisa le front ;
Mais vous aussi, grandeur, folie, audace humaines,
Vous exaltiez son cœur pour en chasser le deuil,
Et vos transports naissants et vos ardeurs soudaines
Lui prédirent quels bonds soulèveraient l’orgueil ;
Elle espérait en vous, recherches et pensées,
Acharnement de vivre et de vouloir le mieux
Dans la peine vaillante et la joie angoissée,
Si bien que, s’en allant un soir sous le ciel bleu,
Libre et belle, par un chemin de mousses vertes,
Elle aperçut le seuil du paradis, là-bas :
L’ange était accueillant, la porte était ouverte ;
Mais, détournant la tête, elle n’y rentra pas.