Page:Verhaeren - Les Tendresses premières, 1904.djvu/67

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Or il se fit que le temps vint
Où l’on m’apprit, ainsi qu’aux camarades,
Après bien des sermons, après maintes bourrades,
À faire, à notre tour, le nettoyage saint.
Le catéchisme entier, demandes et réponses,
Était sabré, en vingt leçons,
On m’instruisait, le soir, à la maison,
Ma mémoire se déchirant aux ronces ;
On l’en sortait, patiemment, si bien
Qu’enfin,
Aux premiers jours des jolis mois
Je m’approchai, pour la première fois,
De l’immobile et redoutable hostie.


Ô comme alors mon âme était anéantie
Dans la douceur et la ferveur !
Comme je me jugeais pauvre et indigne
De m’en aller si près de Dieu !
Comme mon cœur était doux et pieux
Et rayonnant, parmi les grappes de sa vigne !
Je me cachais pour sangloter d’amour ;
J’aurais voulu prier toute ma vie,
À l’aube, au soir, la nuit, le jour,

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