Page:Verhaeren - Les Villes à pignons, 1910.djvu/115

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Sur le marché, où se dressent des tentes,
Assis à l’ombre, et pipe aux dents,
Les solennels experts, ornés d’un président
Large et fondamental, attendent ;
Et s’alignent les petites cages en bois,
Devant sa massive prestance,
Et s’entêtent et s’effilent les voix,
Sur un signal de son omnipotence.

Mousses de chant qui s’échappent dans l’air,
De la coupe d’un gosier frêle,
Bulles, perles, miroitements, éclairs,
Sans nul effort qu’un battement des ailes ;
Frétillements de cris, fourmillements de sons,
Trilles en fleur, trilles en fête,
Ô ! les naïfs et doux pinsons,
Comme ils s’entêtent !

Le président, rougeaud et gros,
Fume toujours, et ne dit mot ;
Mais son oreille ardente écoute,
L’autre après l’un, chaque pinson
Tresser les brins de sa chanson.