Page:Verhaeren - Les Villes tentaculaires, 1920.djvu/118

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Et par les quais uniformes et mornes,
Et par les ponts et par les rues,
Se bousculent, en leurs cohues,
Sur des écrans de brumes crues,
Des ombres et des ombres.

Un air de soufre et de naphte s’exhale,
Un soleil trouble et monstrueux s’étale ;
L’esprit soudainement s’effare
Vers l’impossible et le bizarre ;
Crime ou vertu, voit-il encor
Ce qui se meut en ces décors,
Où, devant lui, sur les places, s’élève
Le dressement tout en brouillards
D’un pilier d’or ou d’un fronton blafard
Pour il ne sait quel géant rêve ?

Ô les siècles et les siècles sur cette ville,
Grande de son passé
Sans cesse ardent — et traversé,
Comme à cette heure, de fantômes !
Ô les siècles et les siècles sur elle,