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Page:Verhaeren - Les Visages de la vie, 1899.djvu/71

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Mon corps, il est si las ;
Mes pauvres yeux, mes pauvres pas,
Mon morne corps, ils sont si las
De mes chutes et de mes longs efforts
Par les chemins dédaliens du sort !
Mes mains se sont usées
À des besognes embrasées
La nuit, à coups de folie et de fièvre,
Mon cœur, buisson ardent, a mis en feu mes lèvres
Et la sueur mauvaise a raviné mon torse,
Comme une écorce.

Dites, la mer nue et pure, comme une idée,
Qui luit et envahit mon âme émeraudée !

Dites, le vent à enlacer et à poursuivre ;
Le vent sauvage à saisir, par brassées,
Parmi des roches, vernissées
Par des lames, couleur de cuivre !

Dites, les estuaires de nitre et de phosphore
Et les courants tragiques et nerveux
Et l’infini qu’on aime et l’infini qu’on veut
Boire soudain, avec la soif de tous ses pores !