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les flamandes

Se blottir, par essaims, sous la couche de mousse,
Qu’elle réchauffe en s’étalant.

Quelquefois, elle fait un geste gauche, à vide,
Effarouche autour d’elle un murmure ameuté
D’abeilles ; mais bientôt, de somme encore avide,
Se tourne de l’autre côté.

Le pacage, de sa flore lourde et charnelle,
Encadre la dormeuse à souhait : comme en lui,
La pesante lenteur des bœufs s’incarne en elle
Et leur paix lourde en son œil luit.

La force, bossuant de nœuds le tronc des chênes,
Avec le sang éclate en son corps tout entier :
Ses cheveux sont plus blonds que l’orge dans les plaines
Et les sables dans le sentier.

Ses mains sont de rougeur crue et rèche ; la sève
Qui roule, à flots de feu, dans ses membres hâlés,
Bat sa gorge, la gonfle, et, lente, la soulève
Comme les vents lèvent les blés.