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poèmes


IV


Voici les nuits, les nuits longues, les jours blafards,
Novembre emplit d’hiver, l’immense plaine morne,
Où tout est boue et pluie et se fond en brouillards,
Où nuit et jour, matin et soir, l’ouragan corne.

Villages et hameaux geignent au vent du Nord ;
L’humidité flétrit les murs de plaques vertes,
La neige tombe et pèse et lourdement endort
Les chaumes noirs groupant entre eux leurs dos inertes.

Les chiens, au seuil des cours de ferme, sont muets ;
Les chemins recouverts de flaques et de fanges ;
On travaille les lins à nonchalants poignets,
Avec la roue à bras qui ronfle dans les granges.

Le fleuve, à clapotis rudes, fouette son bord.
Dans les bouleaux, plantés en rangée équivoque
Sur les digues, un nid d’oiseau ballotte encor,
Un seul — et lentement la bise l’effiloque.