Page:Verhaeren - Poèmes, t1, 1895, 2e éd.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
poèmes


Pendant qu’au réservoir d’étain jaillit le lait,
Qu’il s’échappe à jet droit, qu’il mousse plein de bulles,
Et que le nez rougeaud de Kato s’en repaît,
Comme d’un blanc parfum de pâles renoncules.

C’est sa besogne à l’aube, au soir, au cœur du jour,
De venir traire, à pleine empoignade, ses bêtes,
En songeant d’un œil vide aux bombances d’amour,
Aux baisers de son gars dans les charnelles fêtes,

De son gars, le meunier, un grand rustaud râblé,
Avec des blocs de chair bossuant sa carcasse,
Qui la guette au moulin, tout en veillant au blé,
Et la bourre de baisers gras dès qu’elle passe.

Mais son étable avec ses vaches la retient,
Elles sont là, dix, vingt, trente, toutes en graisse,
Leur croupe se haussant dans un raide maintien,
Leur longue queue, au ras des flancs, ballant à l’aise.

Propres ? Rien ne luit tant que le poil de leur peau ;
Fortes ? Leur cuisse énorme est de muscles gonflée ;
Leur grand souffle, dans l’auge emplie, ameute l’eau,
Leur coup de corne enfonce une cloison d’emblée.